Gamers professionnels : des sportifs 2.0

Oui, jouer à la console est un sport. Endurants, affûtés et dotés d’un mental d’acier : les champions de la manette sont des athlètes comme les autres.

prout
Mohamad Al-Bacha, lors de la finale du championnat du monde du jeu vidéo FIFA 2016. Il affrontait l’anglais Sean Allen.

22 mars 2016. Apollo Theatre, New York. Mohamad Al-Bacha, ému aux larmes, quitte la scène pour sauter dans les bras de ses proches, assis au premier rang. Du bout de ses doigts, il vient de devenir champion du monde du jeu de vidéo de football FIFA 2016 (FIWC). « J’ai du mal à y croire. C’est indescriptible pour moi… Je me suis entraîné dur pour en arriver ici. Physiquement, cela a été très éprouvant ». A tout juste 17 ans, le jeune gamer danois a fait sensation tout au long de la compétition. David Villa, ancien international de football, a été du niveau de jeu proposé par cette coupe du monde de football virtuel. « J’ai joué contre quelques-uns des participants et je peux vous dire que je suis très loin de leur niveau. Le professionnalisme et la force mentale des finalistes m’ont fait penser à une finale de Coupe du Monde dans le football réel ». Autrement dit, les gamers, ce sont de vrais athlètes.

« P0upi » (nom de son pseudo de gamer) est coach de Dylan Bance, le seul joueur français ayant atteint les demi-finales du FIWC 2016. Pour lui, les bons résultats ne s’atteignent pas « en faisant trois nuits blanches de suite devant son écran et en carburant au Redbull ». Si le jeune international a réussi à atteindre le carré final, c’est avant tout parce que son staff le considère comme un sportif à part entière. Et lui impose donc une hygiène de vie irréprochable et une préparation mentale sans faille. Certaines équipes de joueurs virtuels vont encore plus loin et font appel aux services du paramédical. Florian Deverrière vient de monter son propre cabinet d’ostéopathie, Osteo Gaming. Son boulot, manipuler les gamers avant une compétition pour les rendre les plus performants possibles « Je travaille sur les réflexes. J’essaie de réduire au maximum le moment où le joueur voit l’image et le moment où il va réagir. Cela se joue entre l’œil, la tête et la main ».

Florian Deverrière lors d'une séance d'ostéopathie avec la Fnatic Team, équipe professionnelle de gamers.
Florian Deverrière lors d’une séance d’ostéopathie avec la Fnatic Team, équipe professionnelle de gamers.

Encadrés et chouchoutés, les joueurs de gaming le sont. Mais ils ne sont pas seulement des petits rois de la console, cloués à leur canapé. « La journée d’entraînement d’un gamer ressemble à celle d’un sportif de haut niveau », explique Nicolas Di Martino, Président de l’association Lyon E-Sport. « Pour être un bon joueur sur écran, il faut les mêmes qualités qu’un bon sportif : être un bon tacticien, prendre en considération la problématique d’équipe et avoir un talent naturel ». Et ce n’est pas Ingo Froböse, chercheur à l’université de sport de Cologne, qui dira le contraire. Sa récente étude sur l’e-sport est sans appel : les efforts des gamers lors d’une partie de jeu vidéo sont une véritable activité sportive. « La quantité de l’hormone de stress cortisol est approximativement au même niveau que celui d’un conducteur de course-voiture. Leur pouls dépasse parfois les 180 battements par minute. C’est semblable à un coureur de marathon ! »

En France, les compétitions d’e-sport sont actuellement illégales. Considérées comme des jeux d’argent, elles dépendent de l’Autorité de Régulation des Jeux en Ligne. « Le député Rudy Salles et trois autres parlementaires sont en train de porter un projet pour l’e-sport dans la futur Loi sur le Numérique. Ils veulent rattacher le monde des jeux vidéos au Ministère des Sports ». Pour qu’enfin les gamers soient considérés aux yeux de tous comme de vrais sportifs professionnels.

Anaïs Moran

 

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