Face à la loi du travail, les jeunes se mobilisent

Lycéens, étudiants, encartés, syndiqués ou non font entendre leur voix, afin de protester contre l’avant-projet de la loi du Travail porté par la ministre Myriam El Khomri.

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« Aucune hésitation, c’est la révolution ! », « Ré-sis-tance ! Ré-sis-tance ! Ré-sis-tance! » ou encore « Jeunesse en danger, jeunesse mobilisée ! » Telles sont les phrases scandées, par les lycéens et étudiants bordelais, près de la place de la Victoire, le mercredi 9 mars. Clémence, 19 ans, étudiante en droit, mène la danse. Armée de son mégaphone, l’ancienne présidente du syndicat lycéen UNL (Union Nationale Lycéenne), est rodée à l’exercice. Debout depuis 6h, elle a aidé à la mise en place de barricades et de poubelles devant le lycée Montaigne. Elle est dorénavant parée pour la manifestation générale de 13h. Malgré la fatigue apparente et une certaine fébrilité, sa voix porte toujours autant les slogans répétés inlassablement par les 500 jeunes amassés devant elle. Banderoles, pancartes ou bannières sont brandies fièrement en signe de contestation face à cette proposition de loi. On peut y lire « El Khomri rit, nous on pleure »,  » Jeunes ≠ Esclaves » ou encore « Rendez-nous notre avenir ! », des messages de colère adressés à la ministre du Travail, dans lesquels on décèle une certaine inquiétude.

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Malgré la pluie battante, Clémence mégaphone à la main, rameute ses troupes. Photo Jennifer Biabatantou.

Des craintes qui se font également ressentir dans les tracts distribués par les étudiants et lycéens. Les termes clés sont « précarité », « chômage » ou encore « droits sociaux ». Bien que la ministre du Travail s’est voulue rassurante aux micros de France Info, en rappelant que cette mesure « vise à réduire la précarité et encourager le recrutement en CDI », ces explications n’ont pas suffis à rassurer les intéressées. La peur du chômage est la source de cette mobilisation explique la sociologue Anne Muxel, spécialiste de la jeunesse. « Ils voient dans cette loi des menaces ou des possibilités de régression par rapport à des acquis, dans un contexte où il y a un sentiment de très forte vulnérabilité sociale et de grosse fragilité économique. »

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Selon Pierre Gattaz, président du Medef, « cette loi était de nature à provoquer des créations d’emplois et notamment en CDI, et donc qu’il ne fallait surtout pas la dénaturer. Il ne faut surtout pas avoir de demi-mesures, ça, c’est fondamental ! » Source Le Monde. Photo Jennifer Biabatantou.

En première ligne dans le cortège, les jeunes rythment la manifestation. Pas très rassurant pour le gouvernement. Derrière cette scène de liesse, il y a le spectre du mouvement anti-CPE (contrat premier embauche), qui dix ans auparavant avait mobilisé un bon nombre d’étudiants.

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Entre deux slogans, on peut entendre la musique raisonner dans les rues bordelaises, diffuser par les jeunes via leurs smartphones. Photo Jennifer Biabatantou.

Une mobilisation 2.0

« Le but est de montrer que les jeunes ont aussi une conscience politique et qu’ils savent ce qu’il se passe au gouvernement. Même s’il croit que sous prétexte qu’on n’ait pas le bac, on n’est pas des citoyens. Ce n’est pas vrai », assène Clémence. Une fois n’est pas coutume pour cette génération Y, l’organisation de la manifestation s’est faite sur Facebook. Des personnes qui ne se connaissaient pas se sont réunies et se sont réparti les tâches. Des assemblées générales ont eu lieu ensuite dans diverses universités bordelaises ainsi que dans les lycées.

Dans le cortège une diversité de profils identifiables grâce aux stickers, drapeaux désignant un parti, une association, un syndicat ou un lycée : Unef, NPA, Jeunes Communistes Français… Suivis de très près par les partenaires sociaux et par les forces de l’ordre. Ces jeunes expliquent leur présence dans la rue:

#OnVautMieuxQueCa ce sont des youtubers et youtubeuses qui ont décidé de se réunir afin de réaliser une vidéo destinée à la jeune génération. Leur objectif est d’expliquer pourquoi il faut se mobiliser « face à ce projet abject et absurde de réforme du code du travail ». En une semaine, la vidéo a été vue plus de 220 000 fois.  Cet appel à la mobilisation, rassemble des témoignages écrits, audio, ou vidéo avec ce hashtag. Plus de mille ont déjà été recensés. Aujourd’hui le collectif compte 51 885 abonnés sur Facebook, 10 200 abonnés sur Twitter et 9 538 abonnés YouTube. Il a impacté le mouvement des étudiants et des lycéens, si bien que leur banderole de 8 mètres « #OnVautMieuxQueCa », se retrouve en premier plan des cortèges nationaux.

Une sensibilisation à nuancer…

L’implication de la jeunesse face à la loi du travail est à prendre avec du recul explique la sociologue : « Les jeunes ne sont pas forcément tous concernés […] il ne faut pas présenter une image homogène de la jeunesse face à cet événement ». Thomas, 17 ans, fait partie de ceux qui n’ont pas battu le pavé. Lui est en accord avec la loi El Khomri : « Je pense que ça va créer de l’emploi comme dans d’autres pays comme l’Espagne ou l’Italie. Je pense qu’à un moment il faut réformer. Les gens qui sont dans les manifs sont les premiers à gueuler parce que rien ne change et quand quelqu’un gueule ça gueule aussi. Donc au bout d’un moment, il faudrait faire quelque chose, donc je suis pour. »

Selon, Jean-Philippe, intendant dans un lycée bordelais, cette manifestation « n’a pas de sens pour les jeunes. Ils sont instrumentalisés, et ne savent même pas de quoi parle cette loi ». Un discours repris par certains lycéens, présents aux abords de la manifestation. Pour eux, certains profitent de la situation pour ne pas aller en cours ou suivent juste le moment, et une infime partie sait ce que contient la loi.

Quoi qu’il en soit, « les lycéens sont là, ils sont chaud patate », assène Clémence, la voix meurtrie par des cris de protestations. Leur détermination est sans bornes. Tant que la loi défendue par Myriam El Khomri ne leur conviendra pas, ils continueront à manifester. Le prochain rendez-vous est donné le 17 mars. L’événement Facebook est déjà lancé.

Jennifer Biabatantou

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