Après des mois de mobilisation des gilets jaunes à Bordeaux, le Black Friday arrive à point nommé pour les enseignes de la place Pey-Berland. Une courte embellie loin de rassurer les commerçants.
C’est désormais une expression que l’on entend depuis quatre ans en France. L’anglicisme Black Friday désigne cette opération de maxi-promotions importée des États-Unis. Les affiches teintées de noir et de blanc ornent toutes les devantures de la rue Sainte Catherine. Près de la place Pey-Berland, située en plein centre-ville de Bordeaux, leur présence est plus timide. Pour cause, le « vendredi noir » conclut une année toute aussi sombre pour le commerce de centre-ville. En un an, l’hypercentre a connu pas moins de 53 week-end de manifestations de gilets jaunes. Le secteur de Pey-Berland n’y a pas échappé, théâtre d’âpres affrontements entre blouses jaune fluo et forces de l’ordre.
« Plusieurs week-end d’affilée, ça gazait à tous bout de champ devant les vitrines, se rappelle Valérie bijoutière chez Perles de Cultures. La mairie a été fair-play. On nous a assisté pour les dossiers d’indemnisation. » En avril 2019, la métropole, la ville et la chambre de commerce et d’industrie ont conjointement créé un fonds de 2.6 millions d’euros pour aider les commerçants touchés par ma mobilisation. Un geste des pouvoirs publics qui répond à une urgence. Cette année, trois fois plus de commerçants ont mis la clé sous la porte, selon l’association des commerçants de la Ronde des quartiers.
Pourrait-on parler de remède « Black Friday » qui viendrait égailler cette fin d’année ? Valérie, employée d’une boutique de chaussures en cuir dans le centre commercial à proximité, reste mitigée. « Ça relance un tantinet la machine. Par rapport à l’an passé, les remises arrivent plus tard dans le mois. Plus de clients ont reçu leur paye. » La bijoutière Valérie y voit aussi du positif : « C’est un bon moyen de booster nos ventes. Les gens économisent d’autant plus vers la fin octobre. Le Black Friday s’est clairement inscrit dans le budget de Noël. »
Au regard des derniers chiffres, l’opération est une franche réussite à l’échelle nationale. Selon une étude du CRR Report de novembre 2019, les ventes lors de ce week-end de prix cassés ont bondi de 120 % depuis son arrivée en France. Alors qu’est ce qui cloche ? « Il y a bien trop de promos, se plaint Clotilde, vendeuse de produits de maroquinerie. Après une année de vaches maigres où on a perdu environ 40 % du chiffre d’affaire, ces promos sont des pacotilles. »
Fermetures de boutiques
Vendeurs et clients constatent une perte d’attractivité de la place Pey-Berland, orpheline depuis deux ans de son marché et de sa patinoire à l’approche de Noël. Clotilde est résignée : « Personne ne répond à notre annonce d’embauche depuis des semaines. On est un peu isolé. » Affirmation partagée par la bijoutière qui ajoute : « Il y a quelques boutiques qui vont fermer dans la rue. » L’ombre du 5 décembre, synonyme de grève des transports, n’arrange rien au tableau selon eux. « Le Black Friday pourrait ne pas être suffisant », nous glisse Valérie, toujours incertaine. A quelques heures du vendredi noir, pas l’ombre d’une éclaircie côté commerçants.
Si ce vendredi suggère de brader ses produits pour mieux vendre, certaines boutiques optent pour l’effet inverse. A quelques ruelles de la place Pey-Berland, au milieu des multiples échoppes de Sainte-Catherine, se distingue les chantres du Green Friday. Une recette marketing qui se veut plus éthique et davantage critique des habitudes de consommation.
Ce contre-pied au black friday s’est vite hissé dans les papiers des collectifs citoyens écologistes. Tout ce que représente l’évènement est dans leur collimateur : Surconsommation, pollution environnementale et hyper-capitalisme le black friday semble bien loin de l’urgence climatique actuelle. Mais limiter l’engouement des foules à l’heure ou le pouvoir d’achat est au plus bas, reste un défis de taille.