Cop 27 : Les jeunes militant·es résistent au pessimisme

Bordeaux. À plus de 3000 km de la COP 27, l’antenne locale de Youth For Climate organisait un apéro militant ce mardi 9 novembre. Autour d’un verre, jeunes – et moins jeunes – se sont réuni·es dans une ambiance joyeuse pour tenter de combattre l’éco-anxiété ambiante.

Alors que la nuit tombe sur Bordeaux, une étudiante gare son vélo à deux pas de la Maison de la Nature et de l’Environnement, rue de Tauzia. Militante de l’antenne locale de Youth For Climate, mouvement de jeunes écologistes créé en 2019, Tulipe se rend à un “apéro inter-luttes”. À l’intérieur du bâtiment en pierre, elle retrouve deux militants un peu plus âgés. Des tables rectangulaires sont disposées d’un côté de la grande salle pour y accueillir les ravitaillements. Au fond, canapés et fauteuils forment un espace salon coloré. Yohan, militant de Action Non Violente (ANV) COP21, chapeau rouge à paillettes sur la tête, allume un spot kaléidoscope et lance une playlist des années 1980 : “Ce soir, on fait la fête, vous avez de la chance !” s’exclame-t-il. 

L’ambiance est effectivement festive, et doucement, les premières personnes arrivent. Yohann explique que ces apéritifs, organisés tous les mardis, sont l’occasion de retrouvailles physiques régulières : “Après le Covid, on a voulu pouvoir se retrouver physiquement, pour discuter et partager des informations”. Ce soir, ils ne sont finalement qu’une dizaine à rejoindre l’évènement. Tous et toutes l’assurent cependant : ils sont parfois bien plus nombreux ! D’Extinction Rebellion à ANVCOP21, en passant par Oxfam et évidemment YouthForClimate, les militant·es viennent de diverses organisations. Ils n’ont pas forcément la même méthode mais poursuivent le même objectif : agir contre le réchauffement climatique. 

L’engagement comme remède à la désillusion

Tulipe, militante pour le climat
Tulipe, militante dans plusieurs mouvements. Crédit photo : Gilles Foeller

Tulipe milite depuis deux ans, et elle est sur tous les fronts. Chaque fois qu’elle évoque ses engagements, une étincelle brille dans ses yeux et enflamme le verre de ses larges lunettes. D’abord militante de Youth For Climate, elle s’est ensuite engagée auprès d’Oxfam et d’Extinction Rebellion avec qui elle réalise des actions de désobéissance civile. “Mes parents ne sont pas au courant et c’est tant mieux”, confie-t-elle avec un sourire timide. 

Pour l’étudiante, ces apéros militants ont une importance capitale pour sensibiliser et recruter de nouveaux et nouvelles arrivant·es. “C’est une porte d’entrée vers le militantisme pour le climat. A côté d’elle, Charlotte, la trentaine, vient pour la deuxième fois et prévoit bientôt de rejoindre une organisation. 

Des jeunes toujours plus nombreux à s’engager pour la défense de l’environnement

Depuis 2018 et l’engouement autour des marches pour le climat, la mobilisation a explosé et de nombreux mouvements militants ont émergé. C’est le cas d’Extinction Rebellion ou plus récemment de Dernière Rénovation dont les membres se sont illustrés en bloquant une étape du Tour de France cet été. Eric, une cinquantaine d’années, les cheveux et la barbe grisonnants, est militant depuis le début des années 2010 et regarde cette tendance d’un œil assez critique. Il trouve “dommage” que chacun cherche à créer son mouvement plutôt que de rejoindre ceux qui existent déjà. “On a une expérience, un certain savoir-faire”. Pour lui, les espaces inter-organisations comme les apéros de Youth for Climate permettent justement de capter les nouveaux intéressés.

En tous cas, l’engagement est essentiel pour ces militant·es qui n’attendent souvent plus grand chose des instances gouvernementales. La simple évocation du mot “COP” suffit à les faire rire jaune. “C’est la grosse blague, chaque année”, lance Tulipe. “Quand on voit les trajets en avion des dirigeants pour participer à la COP, les sponsors comme Coca et Total, on se dit que c’est n’importe quoi”. Eric ne cache pas non plus sa désillusion : “On avait un espoir en 2015, après les accords de Paris, mais il a vite été déçu”. C’est cette déception qui a poussé la création d’ANV Cop21, dont il est un fervent militant.

Un climat de bienveillance et de joie

Eric militant pour d'ANV COP21
Eric, militant d’ANV COP21. Crédit photo : Gilles Foeller

Derrière ses lunettes rouges, le cinquantenaire s’enorgueillit de la dynamique commune qui émerge entre les murs de la MNE. Il n’attache pas vraiment d’importance à l’âge de ses camarades. Pour lui, ce qui compte, c’est que “chacun trouve sa place et puisse donner ne serait-ce qu’une heure de son temps à la cause”. 

Si Eric voit les choses ainsi, c’est qu’il sait que l’engagement pour le climat peut être source de désespoirs, d’éco-anxiété, voire de “burn-outs militants”, parfois. “Quand tu en as besoin, tu t’arrêtes », affirme-t-il sans détour, et Tulipe, consciente du problème, confirme que personne n’est culpabilisé. D’après elle, face aux mauvaises nouvelles climatiques qui s’accumulent, les réactions sont très variées : “On arrive pas tous à relativiser”. Certains, comme Oxymore, voient même dans le militantisme une façon de canaliser cette colère. 

Oxymore, militant d’Extinction Rebellion. Crédit photo : Gilles Foeller

Entré à Youth For Climate en février dernier, Oxymore a rejoint Extinction Rebellion en avril, après la réélection d’Emmanuel Macron. Il apprécie beaucoup la “culture régénératrice” prônée dans le mouvement de désobéissance civile, et note qu’à Bordeaux, “les jeunes de Youth For Climate finissent souvent par rejoindre Extinction Rebellion”. Habitué des apéros-militants, il en apprécie l’aspect humain.

Pour lui, comme pour de nombreux autres, le militantisme est un espace de rencontres dans lequel la bienveillance semble être la règle. C’est tout cela qui donne envie à Oxymore de rester à Bordeaux, alors qu’il est originaire de Strasbourg. Il n’attend “plus rien” des politiques, mais il veut faire de son mieux, à son échelle. Après un octobre historiquement chaud en Europe et les feux de l’été en Gironde, cette échelle pourrait paraître bien insuffisante, mais comme le rappelle Eric, “de toute façon, c’est trop tard pour être pessimiste”.

Différents mouvements, différentes actions

Encadré actions militantes

Pour aller plus loin : « Je n’ai pas peur de finir en garde à vue » , article de Lucile Coppalle, publié dans le journal papier Imprimatur du 10/11/2022 et disponible sur https://imprimaturweb.fr/le-journal-papier/

Gilles Foeller (@gillesfoeller) et Alexis Gonzalez (@algonzlz)

Retour en haut
Retour haut de page