Les jeunes graphistes entre concurrence et précarité

Ils travaillent dans la communication, l’animation, le jeu vidéo, la publicité, etc… Les graphistes exercent une profession aux tâches multiples, mais aux contours flous, qui ne cesse d’attirer de nouveaux candidats. Au risque de créer un marché du travail toujours plus concurrentiel.

Lucie dresse un diagnostic sévère de cette branche dont elle s’est éloignée. Après un BTS en design graphique à Bordeaux, la jeune femme de 23 ans s’est orientée vers le cinéma, une autre de ses passions. « Je ne me sentais pas prête à intégrer un marché du travail bouché, je n’étais pas certaine de mes compétences à la sortie du BTS.  »

Une profession en plein essor

Comme pour le photojournalisme, le numérique est venu bouleverser ce domaine. La démocratisation de logiciels comme InDesign ou Photoshop a rendu ce travail accessible à tout un chacun. Au détriment des diplômés de la profession, noyés dans la masse. « Des gens peuvent s’octroyer le titre de graphiste alors qu’ils ne sont pas diplômés, ils cassent les prix et rendent la concurrence d’autant plus rude. Ils nous obligent à nous aligner si on espère gagner nos vies », précise la jeune femme.

Et ils sont de plus en plus nombreux. Jean-Pierre Durand, auteur de Métiers du graphisme, ouvrage datant de 2011 commandé par le ministère de la Culture, estime à environ 50 000 le nombre de graphistes en France en 2010. La demande de formation est aussi croissante. En 2018, on recense 177 écoles de graphisme en France selon l’Étudiant. Ce qui participe à l’entrée constante de nouveaux arrivants dans un marché du travail déjà à flux tendu.

Face à cette concurrence et à un statut toujours plus précaire, Caroline a renoncé à une carrière en indépendante au profit d’un poste de graphiste et d’illustratrice à l’agence Com’sud à Agen. « C’est difficile de se faire une place en freelance, il faut être multitâche. Être en agence m’apporte une stabilité financière et je me concentre sur la création. » Encore aujourd’hui, 80 % des appels d’offres ne prévoient aucune rémunération, comme le rappelle la tribune « Non aux créations gratuites » publiée en mai 2021.

Une course à la créativité

Seule solution pour vivre de ce métier ? Se démarquer. « Tout le monde a des portfolios. Il faut être compétent, productif, sérieux. » C’est le constat que dresse William, 19 ans, étudiant en DNMAD à Quimper. Pour sortir du lot, il faut multiplier les créations et les expériences, sans garantie d’obtenir un emploi. Les écoles insistent sur cette nécessité de production, mais ne donnent pas plus de clés à leurs étudiants pour comprendre ce marché du travail et ses difficultés. « On a peu de cours pour comprendre le monde du travail. On se débrouille de notre côté », précise le jeune homme.

Amélie est diplômée de l’ECV Bordeaux depuis septembre 2020. Malgré son parcours académique et ses nombreux stages, elle rencontre encore aujourd’hui des difficultés. « Soit on me proposait des stages non rémunérés, soit on me reprochait mon manque d’expérience. Je venais d’avoir mon diplôme, je voulais que mon travail paie », raconte la jeune femme.

Après une période de 7 mois de chômage, elle a intégré un studio d’animation basé à Angoulême, en CDDU (Contrat à durée déterminée d’usage). Ce contrat a pris fin en décembre. Cette première expérience, obtenue non sans peine, reste insuffisante pour bon nombre d’entreprises. « Après ce premier emploi, je me rends compte que c’est toujours compliqué. À mon échelle 8 mois de travail c’est conséquent, mais en comparaison avec d’autres, je suis toujours novice dans ce milieu. »

Shan Cousineau

Illustration : Noëlle Hamez

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