Animateur∙ices périscolaires: mobilisation inédite d’une profession « déconsidérée »

Ce mercredi 15 décembre à Bordeaux, les animateur∙ices périscolaires de la région se sont réuni∙es devant la préfecture de la Gironde pour faire entendre leurs revendications face à la dégradation de leurs conditions de travail.

Mercredi, journée des enfants. Pour une fois Yaël ne passera pas la journée au parc. Une pancarte à la main, elle accompagne sa maman qui est venue manifester pour alerter les pouvoirs publics des difficultés de sa profession : animatrice périscolaire. « Je travaille dans l’animation depuis suffisamment longtemps pour voir le métier se dégrader. Quand je suis arrivée dans ce milieu on proposait des contrats à plein temps. Aujourd’hui on avance dans la précarité ». Maud ne s’estime pourtant pas lésée. En CDI, elle avoue que si elle a décidé de faire grève et de manifester, c’est avant tout « pour les jeunes qui rentrent dans la profession et qui sont de moins en moins nombreux ». 

“Un beau métier”

Comme Maud, Sophie est animatrice périscolaire à Bordeaux depuis longtemps : « Cela fait 20 ans que je fais ce métier », explique-t-elle.  À 39 ans et demi (elle insiste car « c’est important dans ce milieu »), elle a décidé de battre du pavé pour dénoncer un manque de considération de son métier. « Des parents me demandent encore si je fais des études à côté alors que je commence à avoir des cheveux blancs. Mon métier c’est un vrai métier. C’est un beau métier ».

Avec ses collègues qui l’accompagnent devant la préfecture, Sophie s’agace de ne pas être prise au sérieux. Quand on lui demande de préciser, Sophie a une réponse très claire : « mon métier consiste à accompagner les enfants en dehors des temps scolaires en proposant des activités diverses pour les emmener à réfléchir, à découvrir et à s’épanouir. C’est un métier qui requiert beaucoup de responsabilités ».

Elle et ses collègues insistent aussi sur un autre aspect. Elles tiennent à ce que la distinction soit claire entre les accueils périscolaires et les garderies : « Dans une garderie il peut y avoir un seul adulte qui garde tout un troupeau et qui ne propose absolument rien. Avec un accueil périscolaire on est nombreux à s’occuper des enfants et chacun propose une activité différente ». Se sentir dévalorisée tout en étant passionnée de sa profession, c’est aussi le constat que partage Maud. Entre deux sourires à sa fille Yaël, elle exprime non sans humour son ressenti : « On nous prend pour des clowns qui sont là juste pour garder des enfants ».

Une mauvaise contractualisation 

Camille est animatrice et directrice d’un centre périscolaire à Langon. Avec six de ses collègues, elles sont venues à Bordeaux pour faire en sorte que leur profession soit jugée « à sa juste valeur »

Selon elles, il existe un problème sérieux autour des contrats proposés par certaines municipalités et associations qui correspondent de moins en moins aux réalités du métier. S’en suit une grave crise des vocations, surtout chez les plus jeunes. Point noir du dispositif, les fameux contrats CCE spécifiques au domaine de l’animation. Temps de travail et rémunération, ce dispositif est largement critiqué par les personnes rencontrées à la manifestation.

Le CEE ne permet pas à un animateur ou à une animatrice de travailler plus de 80 jours par période de 12 mois, le plus souvent à un taux horaire bien inférieur au SMIC. Camille lui reproche de démotiver et d’accentuer la précarité des animateurs : « C’est ce type de contrat qui nous met à mal ».

Elise, qui ne voulait pas être gréviste pour ne pas pénaliser les enfants et les parents, a rejoint ses consoeurs et confrères ce midi. Elle revient sur son parcours. « J’ai commencé comme ça avec des CEE et aujourd’hui je suis directrice. Mais il est grand temps d’arrêter ce type de contrat. On prend les animateur.ices pour des pions. C’est le contrat le plus précaire qui existe. Il est à la limite de la légalité ».

Camille est venue de Langon avec ses collègues pour rejoindre la mobilisation des animateur.ices à Bordeaux ce mercredi.

Crédit : Bastien Marie

Cette précarité, c’est aussi ce qu’est venue dénoncer Diane. Tout juste diplômée d’un Master en pilotage de projets éducatifs, elle ne cache pas sa déception quant à son contrat de travail : un contrat PEC (Parcours Emploi Compétence) en partenariat avec Pôle Emploi. « J’ai un Master 2, je fais un métier qui demande des capacités d’adaptation énormes, et finalement je me retrouve avec un contrat qui est destiné à des personnes précaires ». Pôle emploi reverse une partie du salaire à l’employeur qui s’engage en retour à former les animateurs à hauteur de 40 heures sur la durée du contrat. « On est payé au SMIC. J’avoue qu’au regard de mon niveau d’étude et mes compétences je suis un peu déçue ».

En mal de représentations 

Contrairement à la manifestation du 19 novembre qui avait été peu suivie, celle de ce matin a rassemblé une centaine de personnes, grâce, notamment, au relais des syndicats. Sylvain Barraud, animateur et délégué de la fédération Sud de l’association d’éducation Francas salue cette mobilisation : « Les animateurs sont rattachés au Ministère de l’Éducation nationale. La plupart du temps, elles et ils rejoignent les mouvements lancés par le personnel enseignant. C’est une bonne chose car pour une fois on parle par nous-même ».

« L’animation est peu représentée…Il est temps que ça change. »

Camille

Camille et ses collègues de Langon ne sont pas syndiquées mais elles admettent qu’il est important de pouvoir compter sur ces représentants pour se faire entendre : « Quand on a organisé notre grève au pied levé, ç’a été la croix et la bannière pour trouver des syndicats. L’animation est peu représentée, ça illustre bien notre déconsidération. Il est temps que ça change. »

Avant qu’elle ne reparte, Sophie apporte une précision. « Pendant la pandémie nous avons été mis à contribution pour garder les enfants du personnel soignant et de celles et ceux qui étaient obligés de travailler. On était en bleu de travail et on faisait 40 heures en 3 jours. Personne n’a jamais parlé de nous. Même dans ces moments-là nous passons au second plan. »

Bastien Marie

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