Méprisé.es du Ségur : la colère du personnel médico-social grandit

Ce mardi 7 décembre, plusieurs centaines de membres du personnel médico-social étaient rassemblés devant le Conseil départemental de la Gironde afin d’exprimer leur colère face aux mesures prises par le Ségur de la santé qui les laissent de côté, une fois de plus.

Manque de personnel, désertion des postes, inégalité dans les primes, exclusion du Ségur de la santé. Les raisons de manifester ne manquaient pas au personnel médico-social ce mardi devant le Conseil départemental à Bordeaux. L’appel à la grève et à manifester, lancé par la CGT Santé Action sociale et le syndicat SUD Santé Sociaux, a rassemblé plus de 800 personnes selon les organisateurs – 500 selon la police. Une mobilisation plus importante que celle espérée, qui témoigne d’une colère grandissante de jour en jour. 

« On veut mettre en lumière les inégalités qui existent entre les travailleurs et les travailleuses du secteur médico-social”, raconte Marie, monitrice-éducatrice dans un foyer d’aide médicalisé. « On ne comprend pas pourquoi certain.es sont valorisé.es et d’autres non alors qu’on était tous au front pendant l’épidémie, à faire des heures sans compter et à répondre toujours présent.” Le Ségur de la santé, signé en juillet 2020 par le Premier ministre Jean Castex, prévoit des revalorisations salariales de 183€ par mois pour les soignant.es. Mais c’est là que cela pose problème : la majorité du personnel médico-social n’est pas considéré comme faisant partie des soignant.es, ce qui les exclut de fait du plan de financement.

Clivage au sein des équipes

Dans la structure d’Emmanuelle, accompagnante éducative et sociale à l’Adiaph, les inégalités créées par cette différence de traitement se font ressentir très fortement : “Tous les professionnel.les considéré.es comme purement éducatifs.ves n’auront pas droit à la prime. Au sein même de notre équipe, cela crée des clivages : trois personnes ne seront pas valorisées, alors qu’on effectue tous les mêmes missions.

Le Ségur de la santé ne prend effectivement pas en compte le personnel de l’action sociale, du médico-social et de la protection à l’enfance. Adrien Texier, co-organisateur de la manifestation et membre de la CGT, explique que cela engendre un manque de personnel et donc “des arrêts maladie, des départs ou encore des licenciements pour inaptitudes”.

Des structures en sous-effectifs

« Médico-social. Venez chez nous, c’est Black Friday : -50% toute l’année. » peut-on lire sur cette pancarte.
© Fanny Baye

Certains établissements spécialisés tournent même avec moins de 50% de leurs effectifs, ce qui rend, de surcroît, le secteur de moins en moins attractif. Une pancarte brandie ironise sur ce sujet “Médico-social. Venez chez nous, c’est Black Friday : -50% toute l’année”. Emmanuelle, bonnet sur la tête, confirme que le manque d’effectif engendre une surcharge du personnel restant, qui finit, lui aussi, par fuir. “C’est le serpent qui se mord la queue”, conclut-elle tristement. 

La colère des manifestant.es se dirige bien vers le gouvernement et non la direction. “Nos chef.fes sont évidemment conscient.es de toutes ces difficultés et approuvent nos mouvements de grève. Mais ils et elles sont comme nous, pieds et poings liés. On est tous.tes tenu.es par les annonces du gouvernement.

Et finalement, toutes et tous ici sont d’accord pour affirmer que celles et ceux qui trinquent le plus dans l’histoire, ce sont les résident.es des structures. “On a de plus en plus de crises chez nos résident.es. Certain.es ont du mal à gérer leurs émotions, leurs frustrations et peuvent devenir agressifs.ves verbalement et physiquement.” Même son de cloche du côté des orthophonistes. Maïna témoigne : “On est que dans le soin, dans l’urgence, il n’y a plus de travail éducatif. Il faut que les jeunes handicapé.es soient changé.es, nourri.es, qu’ils et elles reçoivent des soins médicaux mais on ne se préoccupe pas de leur développement.”

“Massacre en vigueur”

Entre les applaudissements, les rires et les discours enragés dans la sono crachotante, la manifestation se déroule sans heurt. A l’initiative du syndicat SUD, c’est même un jeu qui est lancé, basé sur la série coréenne à succès Squid game : “Ce qu’il se passe chez nous en ce moment, c’est comme dans Squid game. Il y a des gens qui disparaissent, qui fuient ou qui pètent un câble”. Et pour symboliser le “massacre en vigueur”, certain.es ont donc revêtu les combinaisons blanches de la série pour jouer une partie de 1,2,3 soleil face à un homme déguisé en Olivier Véran. Sauf que cette fois, “c’est nous qui gagnerons”, s’amuse l’animateur du jeu.

Une réunion entre les syndicats et le Conseil départemental s’est ensuite déroulée dans la foulée de la manifestation. Tout le monde semble s’être accordé sur le fait que les injonctions de l’Etat ne sont pas accompagnées des moyens pour leur mise en œuvre. Et les syndicats de conclure : “Nous n’avons pas eu l’impression que notre rencontre ait apporté grand chose.”

Alors que la contestation continue sur fond de Bob Marley, les manifestant.es l’assurent, ils et elles n’abandonneront pas le combat. Ces “méprisé.es” du Ségur de la santé se mobiliseront à nouveau le 11 janvier.

Fanny Baye

Retour en haut
Retour haut de page