La flamme des jeunes militant·es d’Extinction Rebellion

Iels s’appellent les « rebelles ». Les membres anonymes d’Extinction Rebellion (XR) ne croient que trop peu aux promesses des sommets comme le WIS de Bordeaux. Pour elleux, la politique nous éloigne de la vérité et c’est la désobéissance civile qui peut éveiller les consciences. Reportage.

Chaque lundi, à 18h30, Figolu (pseudo qu’il utilise pour préserver son anonymat) s’occupe de la permanence du collectif Extinction Rebellion à Darwin, dans une caravane prêtée par le lieu alternatif.

« Avant de commencer, est-ce que je peux vous offrir une bière ? » Malgré les  3°C dehors et à peine plus à l’intérieur où le chauffage vient d’être branché, l’ambiance est chaleureuse. Figolu commence son topo, ponctuellement interrompu par l’arrivée de quatre participant·es. Tout d’abord Alessandro, un étudiant italien, venu pour « se réveiller un peu ». Puis Clara, une étudiante en école d’ingénieur accompagnée de ses ami·es Raphaëlle et Serge, tous les trois âgés de 23 ans. Tout le monde s’installe joyeusement autour du radiateur : la réunion peut commencer.

Le collectif prime

C’est grâce à Clara que Serge et Raphaëlle sont ici. Cette dernière a toujours voulu s’engager sans jamais concrétiser son projet. Étudiante nomade, elle admet qu’il s’agissait un peu d’une « excuse pour ne pas s’engager. » Serge est plus curieux. Il se pose des questions concernant son engagement, cherche à aller plus loin, à découvrir le milieu militant. Pareil pour Alessandro, qui avait déjà assisté à une réunion XR à Turin il y a quelques années. Clara aspire à « imaginer le monde de demain, ensemble. »

« Faire partie d’un mouvement comme XR, c’est être avec des personnes avec lesquelles on peut discuter, sans toujours devoir convaincre » confie Clara, lasse de devoir encore sensibiliser la plupart des gens qu’elle côtoie. Au sein du collectif, iels trouvent des oreilles attentives et des allié·s avec qui parler librement du climat et de leur combat. « C’est ça que je suis venue chercher ici : des rencontres qui vont me donner envie d’agir et d’aller plus loin dans mon engagement » explique Raphaëlle. 

Après la sensibilisation de ses proches, Clara veut franchir le cap de l’action militante / Crédit photo : Romane Rosso

Chacun·e ses chiffres

Les échanges sont vifs et passionnés. Sur le réchauffement climatique, Clara et Figolu pointent tous deux les différences manifestes entre les chiffres des scientifiques et ceux des promesses politiques : les Accords de Paris décidaient d’un plafond à 1,5°C. Clara explique doctement : « Les politiques actuellement en vigueur dans le monde devraient entraîner un réchauffement d’environ 2,7°C par rapport aux niveaux préindustriels », se basant notamment sur le dernier rapport du GIEC.

Clara sort d’un stage de recherche en science du climat durant lequel elle a travaillé sur les projections futures d’émissions de gaz à effet de serre, fixées dans les objectifs de l’Accord de Paris. Elle fait part de sa désillusion vis-à-vis d’un monde scientifique qu’elle imaginait engagé mais où elle a découvert des « gens qui prennent l’avion régulièrement et pas impliqués. » Ici, elle cherche un moyen de lutter contre l’inaction politique. C’est pour elle l’occasion de mettre sa « rage intérieure » au service de la cause et de faire quelque chose de concret.

XR demande la création d’une assemblée citoyenne pour décider des mesures nécessaires à la transition écologique. Mais pas le « jus de chaussettes » qui a été organisé par le gouvernement à l’occasion de la Convention citoyenne sur le climat. Alors que le site du gouvernement annonce 75 mesures déjà mises en oeuvre, les membres de la convention, dépités d’avoir été instrumentalisés, ont des chiffres bien différents : ils ne recensent que 13 propositions réellement appliquées, selon leur site #Sansfiltre

La désobéissance civile comme alternative

Les rebelles vont au-delà de la légalité. Leurs actions se discutent entre militant·es, organisées via des messageries codées. XR s’engage à rester non-violent, afin de garder le statut de « victime » dans l’hypothèse où un‧e rebelle finirait devant un juge, mais surtout pour rester crédible. Chez elleux, « on s’engage avec ses tripes » confie Figolu. 

Décrocher des portraits de Macron, dégonfler les pneus des SUV en ville, boucher les serrures des magasins la veille du Black Friday, peindre des vitrines avec de la craie et de l’eau pour les rendre opaques…  Autant d’actions symboliques avec pour but de sensibiliser les citoyen·nes et d’attirer l’attention des médias. 

« Quand j’étais petit, je rêvais d’être maire ou député… Maintenant je me rends bien compte que ce n’est pas comme ça qu’on peut changer les choses » conclut Serge en reposant sa bière. Même si XR a du mal à recruter de nouveaux membres à Bordeaux, les activistes présent·es ne se démotivent pas : « plus chauds, plus chauds … plus chauds que le climat ! ».

Romane Rosso

Crédit photo : Ségo Raffaitin

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