L’école doit faire ses classes

Les établissements scolaires ont fermé leurs portes lundi 16 mars et l’école continue à distance. Enquête auprès des personnels qui s’adaptent à cette situation inédite, entre inquiétude et improvisation.

Hervé, professeur de mathématiques, consacre au moins cinq heures par jour à la préparation de ses cours. Crédit photo : Mathilde Loeuille

Des connexions « qui explosent de partout », une fréquentation  « vingt fois plus importante que d’habitude » ; les plateformes pédagogiques n’ont pas tenu le choc, au premier jour du confinement. Jean-Michel Blanquer, ministre de l’Éducation nationale, avait pourtant affirmé que le dispositif était prêt.

« Heureusement, les techniciens font des miracles, ils arrivent à faire en sorte que tout se passe au mieux », souffle Gilles Siche, principal du collège Yves Coppens. Dans cet établissement de Lannion (Côtes-d’Amor), l’école virtuelle se met en place progressivement. Ici, les échanges entre élèves et enseignants se font via Toutatice, leur plateforme pédagogique habituelle, mais aussi sur WhatsApp ou Padlet, sorte de « mur » virtuel collaboratif. « Un professeur de physique-chimie a filmé son cours sur la gravité, par exemple. On s’appuie aussi sur des liens YouTube. » L’établissement n’a pas reçu de consignes de la hiérarchie (ministère, rectorat, inspection académique) : « Tout le monde a été pris de court. Alors on travaille avec les outils que l’on a l’habitude d’utiliser. »

Même son de cloche dans l’enseignement primaire. Alice* communique avec les parents de sa classe de CP/CE1 via TouteMonAnnée, logiciel déjà utilisé par son établissement, pour partager les photos des enfants lors des activités. « Je me sens perdue, les informations et les aides provenant de la hiérarchie sont minimes. On fait au mieux. Je travaille environ sept heures par jour, mais c’est un tout autre métier, de préparer des cours en ligne et de répondre aux mails des parents. »

Ne pas creuser les inégalités entre élèves

Malgré les cafouillages et inquiétudes, les professeurs sont sur le pont, tous les matins, pour envoyer des cours et devoirs à leurs élèves. Les collégiens essaient, tant bien que mal, d’avancer dans le programme. Pour les plus petits, il ne s’agit que de révisions : « C’est très difficile de mettre en place de nouveaux savoirs à distance, à cet âge. En plus, cela creuserait les inégalités. Certains élèves sont très suivis par leurs parents, d’autres le sont beaucoup moins » explique Alice.

Le défi est de taille pour l’école à distance ; ne pas creuser les inégalités entre les élèves, qui vivent dans des contextes sociaux très variés. « Notre erreur, au début, a été de vouloir faire cours comme si de rien n’était. En réalité, il faut s’adapter aux problèmes de connexions de certains, au fait qu’il y a parfois un ordinateur pour plusieurs enfants… » détaille Gilles Siche. Au sein de son établissement, une dizaine de familles n’a pas accès à Internet. Les cours leur sont envoyés par courrier : « Ce n’est peut-être pas satisfaisant intellectuellement, mais on fait au mieux, avec ce que l’on a. » Dans certains établissements, les directeurs déposent eux-mêmes les enveloppes chez les familles.

Un accompagnement personnalisé

Un dispositif de suivi a également été mis en place. Les enseignants se sont répartis les effectifs, et ont pris chacun en charge une moitié de classe. Ils communiquent avec leurs élèves par mail ou téléphone. « C’est l’occasion de vérifier s’ils arrivent à suivre les cours, à rendre les devoirs, et surtout cela nous permet de vérifier qu’ils vont bien. La période peut être difficile psychologiquement » souligne Hervé, professeur de mathématiques. Alice, de son côté, se réjouit de recevoir des vidéos de ses élèves récitant leur poésie.

Même si aucune évaluation n’est prévue durant le confinement, les parents restent inquiets. Gilles Siche reçoit de nombreux appels : « Les familles sont très courtoises et compréhensives. Elles nous remercient, mais nous font aussi part de leurs problèmes. On a bien conscience que ce n’est pas facile, notamment sur le plan technique. » Il est encore trop tôt pour parler du calendrier et anticiper un potentiel report du brevet. « Au jour le jour » est bien la devise de cette période de confinement.

*Le prénom a été modifié. 

Mathilde Loeuille

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