Insultes homophobes : le casse-tête judiciaire pour les victimes

Les victimes d’insultes ou de propos à caractère homophobe ou transphobe se retrouvent souvent bien seules face à leurs agresseurs. Procédures lourdes, agresseurs difficiles à identifier, manque de preuves… Autant de raisons qui n’incitent pas les victimes à porter plainte.


Ioane, 20 ans, étudiant.e transgenre ne s’identifiant à aucun sexe, est « considéré.e comme une fille par la société ». Il y a deux ans, il/elle subit sa première agression anti-LGBT+. « Je marchais dans la rue avec ma copine à proximité d’un chantier, et quatre gars ont commencé à nous suivre et nous siffler ». S’en suivent des « quel gâchis ! », « vous faites n’importe quoi ! ». Face à la situation le couple décide de se « lâcher honteusement la main », raconte Ioane. Mais les deux victimes ne déposent pas plainte.


« Je ne fais plus attention quand il s’agit juste de remarques »


Marine Sery, avocate parisienne sensibilisée aux droits spécifiques des LGBT+, évoque une procédure qui finit par décourager les victimes. « Une personne subissant des actes anti-LGBT peut porter plainte seule, mais sa plainte sera probablement classée sans suite. Une plainte est vraiment prise au sérieux et enregistrée lorsqu’elle est relayée par une association » argumente-t-elle.


Lors de l’agression de trois personnes, samedi dernier, à la sortie d’un bar gay de Bordeaux, l’association LGBT+ Le Girofard a accompagné les victimes jusqu’au dépôt de la plainte. Mais Maxime Thibault, président de Wake up Bordeaux, association étudiante LGBT+, explique la difficulté d’une telle procédure surtout quand elle concerne des propos discriminants. « Si on rapportait toutes les agressions verbales anti-LGBT+, les plaintes ne seraient plus prises au sérieux, car il y en aurait trop » explique l’étudiant en langues étrangères appliquées. Désormais il préfère « ne pas faire attention quand il s’agit juste de remarques ».


Internet, plaque tournante des propos anti-LGBT+


Marine Sery dénonce le peu d’évolution sur la question des agressions anti-LGBT+ dans la loi. « Aujourd’hui les procédures sont compliquées et les actes se multiplient, en particulier sur Internet ». C’est d’ailleurs sur les réseaux sociaux que les propos homophobes et transphobes fleurissent, sans pour autant déboucher sur des condamnations, car les auteurs restent difficiles à trouver. L’avocate attend beaucoup d’un futur projet de loi sur les propos racistes, antisémites et homophobes sur Internet qui devrait voir le jour « courant 2019 ». Ce projet viserait à responsabiliser davantage les hébergeurs de contenus en multipliant par 100 les amendes à leur encontre, en cas d’infraction.
Même lorsque la procédure de plainte est lancée, les victimes se retrouvent confrontées à un manque de preuves. « Les propos homophobes ou transphobes visent souvent l’intégralité de la communauté », ce qui complexifie l’identification de la victime. « Sans réelle preuve, on ne peut pas condamner » ajoute l’avocate. La solution serait, selon Marine Sery, que ces procédures soient prises en référé. Ces mesures d’urgences « permettraient d’accélérer la prise en charge et donc l’aboutissement des plaintes ».

Ioane s’est contenté de poster « un message méchant » sur Facebook après son agression. Les réseaux comme exutoire, sa manière de se révolter.

Valentin Gouriou

Crédits photo : Valentin Gouriou (Ioane et Maxime Thibault, membres de l’association Wake up Bordeaux)

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