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La Commission européenne vole au secours des abeilles

Ruches décimées, insectes désorientés, pollinisation en berne : la dégradation des écosystèmes n’épargne pas les abeilles. Sur le banc des accusés : néonicotinoïdes. Des insecticides « tueurs d’abeilles » dont l’interdiction réclamée par la Commission européenne vient d’être validée par un vote des Etats membres.

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Les abeilles résidentes de l’Union européenne devraient pouvoir souffler. Un léger sursis leur est offert : le moratoire sur l’interdiction de trois types de néonicotinoïdes considérés comme dangereux vient d’être reconduit par la Commission européenne et étendu à toutes les cultures de plein air. Ce vote des Etats membres intervient alors que de récentes études montrent qu’en l’espace de 25 ans, la population d’insectes a chuté de 80% en Europe.

Les ruches, cimetières à abeilles

Signe que l’heure est à l’urgence, la production française de miel elle aussi affiche une santé fragile. Les estimations pour l’année en cours avancent le chiffre de 8 000 tonnes récoltées, soit cinq fois moins qu’il y a vingt ans. D’entrepôts à miel, les ruches sont aujourd’hui devenues des cimetières à abeilles. La faute à un écosystème fragilisé par la raréfaction des plantes mellifères (productrices de miel) et l’usage des néonicotinoïdes, des pesticides neurotoxiques et très persistants.

Pour Sven Niel, l’apiculteur finistérien dont le cri d’alarme s’était répandu comme une traînée de poudre sur Facebook, il n’y a pas de hasard : « On remarque que l’utilisation progressive des néonicotinoïdes depuis 2005 et la courbe de la mortalité des abeilles sont corrélées. » Leur usage, bien que restreint depuis 2013, participe à un engrenage meurtrier. Premier clou dans le cercueil : l’amenuisement des ressources mellifères au sein des écosystèmes naturels. Contraintes de butiner des fleurs cultivées sur des exploitations agricoles, les abeilles ingèrent alors des néonicotinoïdes aspergés pour éloigner les nuisibles. Pollen, sève, nectar : ce pesticide particulièrement persistant – une rémanence dans le sol d’au moins trois ans – contamine l’ensemble de la plante. Une exposition toxique qui dérègle le système nerveux des abeilles et autres insectes. Résultat : les rares individus qui parviennent à retrouver le chemin de la ruche y meurent souvent.

Question sensible

Mais les néonicotinoïdes n’ont pas seulement une incidence sur l’environnement. Leurs enjeux économiques suscitent logiquement un intense lobbying du secteur des produits phytosanitaires. Parmi eux, le groupe allemand Bayer a d’ores et déjà déploré l’adoption de l’interdiction. Même son de cloche du côté des industriels de la betterave à sucre, jusqu’ici épargnés par le moratoire de 2013.

Plus tôt dans la semaine, ce sont plusieurs agriculteurs de toute l’Europe qui donnaient de la voix. Dans une lettre ouverte parue dans les colonnes de Marianne, ils se revendiquent « défenseurs de ces pollinisateurs naturels et des autres insectes » dont leurs cultures dépendent, eux qui sont souvent perçus comme « favorables à une agriculture largement dépendante des intrants chimiques ». Parmi leurs arguments-massues, l’existence d’alternatives à ces pesticides : « Les néonicotinoïdes ne sont pas aussi efficaces que nous le pensions, ils pourraient être remplacés par des alternatives durables. » Des solutions qui pourraient éviter d’en être réduit à une pollinisation des pommes à la main, comme c’est déjà le cas en Chine.

Jérémy Pellet

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