Manifestation à Bordeaux : « C’est très difficile de mobiliser »

Mardi 24 avril, travailleurs mobilisés et étudiants se sont réunis derrière le slogan « convergence des luttes » à Bordeaux.

L’occasion de faire le point sur les grandes mobilisations en cours.

« Convergence des luttes », slogan de ralliement de tous les secteurs d’activité mobilisés contre la politique du gouvernement. Crédit photo Camille Chrétien

Au départ de la place de la Victoire, à Bordeaux, la courte manifestation s’est achevée à la gare. A grands renforts de slogans appelant à la gréve générale, les manifestants se sont retrouvés sur le parvis de la gare Saint-Jean pour une courte assemblée générale entre étudiants et travailleurs mobilisés. Une manifestation éclair qui s’est déroulée dans le calme. Les services de police se sont également fait discrets. Dans les rangs des manifestants, entre autres : employés de la SNCF et de La Poste, étudiants et ouvriers de l’usine Ford de Blanquefort. Un rassemblement qui a peiné à mobiliser les foules malgré la communication abondante sur les réseaux sociaux.

 

 

Les syndicaliste de Sud Rail était présents en nombre. Crédit photo Camille Chrétien

Drapeaux et gilets de sécurité vert fluo aux couleurs de Sud Rail : les cheminots étaient facilement identifiables hier. En grève deux jours tous les cinq jours depuis un mois et demi, la journée d’hier marquait leur dixième journée de grève. Ils ont répondu présent pour manifester contre la réforme de la SNCF prévue par le gouvernement. Parmi les principales mesures qui ne passent pas, la suppression du statut des cheminots, la crainte d’une privatisation et de la fermeture de petites lignes (deux points pourtant réfutés par le gouvernement). Les syndicats demandent également à ce que la dette de la SNCF, qui s’élève à 45 millions d’euros, soit entièrement reprise par l’État. Jeudi dernier, les syndicats ont quitté la table des négociations avec la ministre des transports, Elisabeth Borne. Ils demandaient à poursuivre les négociations avec le chef du gouvernement. Édouard Philippe a cédé à leur demande hier, annonçant sa reprise en main du dossier. Des rencontres bilatérales avec les syndicats de la SNCF sont prévues à partir du 7 mai.


Le 18 avril, pour contrer les griefs des cheminots sur la réforme de la SNCF, Emmanuel Macron, en visite dans les Vosges, prenait l’exemple de la Poste. A l’instar de ce que le gouvernement prévoit pour la SNCF, l’entreprise publique est devenue une société anonyme en 2010. Seule ombre au tableau : les postiers sont aujourd’hui mobilisés pour dénoncer la dégradation de leurs conditions de travail. Ils se sont joints aux cheminots, aux étudiants, aux salariés de l’usine Ford et aux services publics présents.

Jusqu’à 5000 emplois sur la sellette

Depuis un peu plus d’un mois, les employés de La Poste de Gironde enchaînent les jours de grève, allant jusqu’à perturber le trafic postal du département. Dans leur viseur : la menace de la sous-traitance de la distribution du courrier qui menacerait de suppression le rôle de facteur.

Il y a aussi la question de la suppression d’emplois. Selon les syndicats, jusqu’à 5000 postes seraient menacés au niveau national avec la fermeture de centres de tri. Le temps de travail est également au cœur de leurs revendications. Les facteurs dénoncent un allongement de leur tournée et une obligation de travailler l’après-midi. Aujourd’hui, la journée d’un postier débute à 6 heures par le tri du courrier, qu’il distribue ensuite jusqu’à 14 heures. Un fonctionnement bientôt bouleversé par La Poste qui compte leur demander de choisir entre tri et distribution. Conséquences à prévoir selon les syndicats : une perte de qualification, l’apparition de troubles musculo-squelettiques et un isolement professionnel.

Les étudiants peinent à mobiliser en période de partiel. Crédit photo Camille Chrétien

En tête de cortège également, des étudiants. Mobilisée contre la loi Vidal et la réforme du Bac, la fac de la Victoire est toujours occupée à Bordeaux. Au cœur de leurs griefs : le très contesté Parcoursup qui risque, entre autre selon les syndicats étudiants, de fermer la porte de l’Université aux élèves de filières professionnelles et technologiques, d’accentuer les discriminations envers les élèves de classe populaire en rendant obligatoire la rédaction d’une lettre de motivation et d’un CV, et de compliquer fortement la reprise d’étude. Cependant, « en ce moment, il y a moins de monde à la fac, on craint tous les jours une intervention de la police pour nous évacuer« , explique une occupante du campus, étudiante en cinéma. En pleine période de partiels pour certains et de vacances pour d’autres, la fac de la Victoire est quasi-désertée par ses occupants.

Philippe Poutou et ses collègues du site de Blanquefort ont répondu présent à l’appel de la « convergence des luttes » Crédit photo Camille Chrétien

Après l’annonce, non-officielle, la veille, d’un potentiel repreneur pour l’usine Ford de Blanquefort, les syndicats avaient une nouvelle raison de manifester. Le potentiel repreneur qui se « serait positionné » selon le journal Sud Ouest n’est autre que Punch Powerglide, également repreneur de l’usine General Motors de Strasbourg en 2013. Le 30 mars dernier, la CGT Ford parlait déjà des rumeurs de reprise de l’usine par le groupe industriel belge. Une « diversion » selon le syndicat.

Ford souhaite se désengager […] et pour que ça passe, la multinationale avait prévu sa stratégie de longue date. Celle-ci passe par un repreneur (ou l’espoir d’un repreneur) qui lui permettrait de disparaitre des radars et ainsi de protéger son image. – Tract de la CGT

Le constat s’assombrit d’autant plus que, d’après le syndicat, Punch Powerglide n’aurait pas investit les dix millions d’euros promis dans l’usine de Strasbourg. Mais plutôt un quinzième de la somme promise. Ce qui laisse présager des lendemains difficiles pour l’usine de Blanquefort en cas de reprise par le même industriel.

« C’est très difficile de mobiliser« . Philippe Poutou exprime tout haut ce que de nombreux manifestants ont dû penser en voyant la foule clairsemée. L’ex-candidat à la présidentielle était présent aux côtés de ses collègues de l’usine Ford pour défendre les emplois menacés. Il regrette un manque d’investissement dans la lutte de la part de certains collègues. « A la fois il soutiennent ce que l’on fait […], mais ils ne sont pas acteurs, ou très peu. »

Camille Chrétien et Mathilde Musset

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