Sur Instagram, les liaisons dangereuses entre marques et influenceurs

Avec 600 millions utilisateurs actifs chaque mois, Instagram est un réseau social qui séduit et qui rapporte. C’est ce qu’ont compris les marques qui travaillent avec des influenceurs. Malgré une obligation de signaler leurs partenariats, les deux parties concernées préfèrent encore rester discrètes.

Sur Instagram, Alexandra Fleurisson poste des photos à la demande de marques pour en faire la promotion. Photo Instagram @mademoisellemodeuse

Quand Alexandra Fleurisson pose son thé sur la table du Starbucks de Bordeaux Mériadeck, elle n’oublie pas de le prendre en photo. Le cliché atterrit directement dans sa « story » sur Instagram et 23 400 abonnés pourront en profiter. Dans la vie, la jeune femme rieuse est free-lance. Depuis 2016, elle a arrêté le travail salarié pour se consacrer pleinement à son blog et à sa petite agence de communication digitale. Propriétaire d’un blog mode et lifestyle nommé Mademoiselle Modeuse depuis le début des années 2010, la pétillante trentenaire a clairement vu Instagram prendre de l’ampleur dans son activité. « J’ai créé un compte en 2013 et c’était très amateur au départ » se rappelle la blogueuse. Et puis, elle a compris que ce réseau social, par l’esthétisme qui le caractérise, pouvait apporter quelque chose en plus. Quelque chose qui a très vite intéressé les marques.

Alexandra Fleurisson alias Mademoiselle Modeuse, blogueuse depuis 2012. Photo Instagram @mademoisellemodeuse / Clément Dietz

Instagram est sans conteste le réseau social privilégié des influenceurs. Ces personnes dont les publications sont susceptibles d’avoir un impact sur le comportement d’un nombre significatif de consommateurs. Avec plus de 23 400 abonnés, notre blogueuse bordelaise Alexandra Fleurisson fait partie de ces créateurs de contenus qui influencent. C’est comme ça qu’elle gagne sa vie. Elle est une des rares blogueuses qui acceptent de parler sans tabou de leur principale source de revenus. « Je choisis moi-même les marques avec lesquelles je collabore. Je veux pouvoir être libre dans l’aspect créatif de la proposition qui sera postée. » Une photo publiée sur Instagram à la demande d’une marque peut lui rapporter entre 200 et 450€. Et, aujourd’hui, les influenceuses peuvent aussi passer par des agences de relations presse et de placement de produit afin d’organiser leur activité. Mais il est encore compliqué de décrocher quelques mots de la part de Shauna Event, Octoly ou encore Nice Work, ces agences dont on voit le nom sur beaucoup de posts sponsorisés. Tout le monde préfère rester discret.

Une législation dans le flou

Encadrés juridiquement par l’article L.213-1 du code de la consommation, les contenus sponsorisés et les partenariats sur les réseaux sociaux doivent être signalés aux abonnés. Une règle qu’Alexandra Fleurisson suit à la lettre pour éviter la confusion, « la pire des choses qui pourrait arriver. » La confusion, c’est ce qu’a provoqué le nageur Camille Lacourt au mois de février lorsqu’il a participé à une campagne de la marque Lu sur Instagram. En légende de son cliché, beaucoup de mentions de la marque mais aucun signalement de publicité ou de contenu sponsorisé. Un « oubli » qui a provoqué un véritable tollé parmi les utilisateurs du réseau social. Après un recadrage de la marque, le nageur a rajouté un timide « Sponsorisé par Lu France ». L’honneur est sauf !

Depuis l’été 2017, Instagram propose pourtant aux influenceurs une mention « partenariat rémunéré » à ajouter au-dessus de leurs photos, là où se trouve normalement la localisation. Mais ce dispositif peut manquer de discrétion pour les marques qui préfèrent l’ajout d’un hashtag comme #pub ou #sponsorisé noyé dans la masse. En cas de poursuite, les influenceurs français sur Instagram risquent jusqu’à 37 500€ d’amende et 2 ans d’emprisonnement mais ils n’ont écopé que de rappels à l’ordre pour le moment. Aux Etats-Unis, l’activité des influenceurs est encadrée par la Federal Trade Commission mais là-bas aussi, peu d’actions concrètes sont menées contre ceux qui pratiquent la publicité cachée. Les seuls exemples de condamnation connus à ce jour sont ceux de youtubeurs ou de blogueurs. Les réseaux sociaux sont épargnés par un manque de volonté politique pour les réguler, mais pour combien de temps ?

Lola Benne

 

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