Aux urgences, le « No bed challenge » est un signal d’alarme

Lancé par le syndicat Samu-Urgences de France, le site No bed challenge indique chaque nuit le nombre de patients qui dorment sur des brancards, aux urgences. Cette initiative révèle, surtout, un mal plus profond qui touche les hôpitaux.

Par manque de lits, des patients sont obligés de dormir sur des brancards la nuit. Photo : Philippe Agnifili

« La nuit dernière, 178 patients ont passé la nuit sur un brancard ». Le constat est édifiant. Sur le site du Samu-Urgences de France, un classement recense le nombre de patients qui ont dormi sur des brancards, aux urgences des différents hôpitaux de France. Le classement du jour est clair : Limoges, Grenoble et Rennes sont les mauvais élèves de la nuit. Dans ces trois CHU, huit patients ou plus ont passé la nuit sur un brancard.

« Le No bed challenge a été crée pour sensibiliser fortement nos décideurs, nos collègues et nos patients aux difficultés majeures de l’aval des Urgences » indique le communiqué du Samu. Chaque jour, à 10h, les médecins des CHU participant se connectent sur la plateforme du « No bed challenge » et renseignent les chiffres de la veille. Un peu comme un restaurateur qui fait ses comptes en fin de soirée. Mais là, il est question d’hommes et de femmes.

« C’est un vrai signal d’alarme et un indicateur du dysfonctionnement de l’hôpital », expliquait le Dr François Braun, président de Samu-Urgences France, au Parisien. Pour un interne en médecine d’urgence à La Rochelle, contacté par Imprimatur et souhaitant garder l’anonymat, « ils ont sorti l’artillerie lourde. Ce classement, c’est une façon d’alerter l’opinion publique ».

Plus qu’un simple indicateur d’une crise aux urgences, le No bed challenge témoigne d’un mal plus profond qui touche la fonction publique hospitalière. « La problématique est plus générale et le problème se situe sur l’hospitalisation en aval. Le problème, ce n’est pas l’afflux de patients aux urgences, c’est les restrictions budgétaires qui impliquent la fermeture de lits dans les différents services de l’hôpital», développe l’interne de 28 ans. « Et comme les différents services ne sont plus en capacité d’accueillir des patients, ils restent aux urgences ».

En proie à des difficultés économiques, l’administration hospitalière réfléchit en termes de logiques financières. Les chiffres avant les patients. Dans les hôpitaux, « il y a moins de lits et moins d’infirmiers. Ces patients qui dorment dans des brancards, ce sont souvent des personnes âgées. C’est intolérable de faire attendre longtemps, et ça peut créer des complications, comme des escarres ».

Dans les services d’urgence, le manque de lits et de moyen crée un climat nocif pour tout le monde. Les patients, obligés d’attendre plusieurs heures avant d’être pris en charge, déversent souvent leur colère sur le personnel hospitalier. Pour les soignants, cet afflux de patients entraîne une surcharge de travail. Dans des conditions qui ne cessent de se dégrader, ces derniers sont à bout de souffle et c’est tout le système de santé qui trinque.

« Ce No bed challenge, c’est un moyen de jouer sur la corde sensible avec l’opinion publique. » Et peut-être, aussi, d’envoyer un message à l’exécutif. Le premier ministre Édouard Philippe et la ministre de la santé Agnès Buzyn ont annoncé, le mois dernier, vouloir réformer en profondeur le système de santé français.

Paolo PHILIPPE

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