Mayotte : colère à 8000 km

Un mois après le début de la grève générale, la ministre des outre-mer Annick Girardin débarque à Mayotte. Abandon de l’Etat, insécurité, pauvreté… la colère des Mahorais est multiple. En métropole, la presse n’écoute que d’une oreille les revendications de Français expatriés dans leur propre pays.

Ce mardi, Le Monde projette Mayotte en Une avec un titre alarmiste.

“Mayotte : les risques d’une explosion sociale” titre Le Monde en Une, ce mardi. C’est la quatrième semaine que l’île fonctionne au ralenti et le quotidien tire enfin la sonnette d’alarme. La parole est donnée à l’intersyndicale qui, avec un collectif de citoyens, a amorcé le mouvement de grève : “aujourd’hui, la sécurité n’existe pas à Mayotte”.

Le Monde a suivi l’agenda politique métropolitain. En un mois de grève, l’île n’a trouvé que trois fois sa place dans le journal. Depuis l’arrivée lundi matin de la ministre des outre-mer, les articles se multiplient en ligne.

Au cours de la journée, le simple « Mayotte » se mue en « Crise à Mayotte » sur l’accueil du site de France Info.

Sur la toile, tous les médias suivent la tendance. Ainsi, la page d’accueil de France Info fait figurer Mayotte parmi les sujets du jour. La situation critique du département français s’intercale ainsi entre l’affaire Tarnac et les agitations du Front National.

Dès 8H du matin, l’Obs fait paraître trois articles. Tous reprennent les dépêches AFP, largement privilégiées aux correspondants sur place. Comme la plupart des articles en ligne, la rédaction adopte le point de vue de l’Etat français : rappel des mesures de la ministre de la veille, efforts vains pour dialoguer avec les contestataires, détermination face à la colère bouillante d’une population intraitable…

Dans la presse régionale, Ouest France imite Le Monde et titre en Une : “l’Etat au chevet de Mayotte”. La photo, présentant la ministre des outre-mer en sage au visage paisible, scelle la métaphore. 

En Une de Ouest France, la ministre des Outre-Mer apparaît en position conciliante, dans une atmosphère hostile.

 

La plume molle des journaux papier

A La Croix, pas de Une, mais la nationalité des habitants de l’île en débat. Dans sa « Question du jour », le quotidien oppose un professeur

Pour Libération, la photo, datée du vendredi 9 mars, se passe de légende développée.

de droit public à un député de La République en Marche sur la question du droit du sol à Mayotte. Le sujet est au cœur de l’actualité, mais les deux interlocuteurs sont bien loin du mouvement de révolte de l’île.

Sans grande surprise, Le Figaro, davantage économie que social, n’a pas réservé une place de choix à la situation mahoraise. Dans la version papier du journal, l’article, classée “Société”, n’arrive qu’en page 10. A Mamoudzou, la préfecture de Mayotte, le correspondant Jérôme Morin pointe l’insécurité. L’état des lieux est largement axé sur la délinquance, à laquelle le gouvernement promet de remédier par le renforcement de la surveillance. L’absence de l’Etat et la pauvreté criante des habitants de l’île passent donc à la trappe. 

 

Chose étonnante, le journal Libération rechigne lui aussi à faire de la grève générale une priorité. Le titre « A Mayotte, la visite d’Annick Girardin loin d’apaiser les esprits », présage de la résignation du journaliste. L’auteur, Laurent Decloître, est un correspondant localisé « à la Réunion » qui n’avait pas tweeté depuis août 2017. Ce dernier semble avoir été contacté en dernier recours pour un modeste article en page 15. A la crise sociale en outre-mer, la rédaction a préféré le mouvement de contestation à EDF en métropole.

Quelque part, dans l’Océan Indien, Mayotte 

Tout comme Ouest France, le régional Sud Ouest détonne en accordant, dès ses premières pages, un papier de tête à la crise mahoraise. N’échappant pas à la tendance alarmiste, l’auteur fait de l’insécurité dans « l’île-département » son thème principal.

Seul hic : le chapô de l’article est ici précédé du mot-clé »Océan Indien ». Dans cette page dédiée à l’actualité française et internationale, le cri de rage des Mahorais sonne comme une plainte lointaine.

Ce n’est pourtant pas faute d’avoir été rappelé aux faits. Toute la journée, la dépêche purement factuelle de l’AFP sur le statut de Mayotte a tourné sur la toile. « Ce qu’il faut savoir sur Mayotte, le 101e département français », a été repris par l’édition numérique de nombreux médias. Peu d’entre eux ont toutefois osé dépasser le style sobre et désengagé de l‘AFP.

Les médias en ligne ont repris mot pour mot la dépêche AFP.

 

Le Parisien, dans son édition nationale, n’a pas eu à choisir le ton à adopter. En effet, dans Aujourd’hui en France, la rédaction a éludé la question en choisissant simplement de ne pas l’aborder. Car aujourd’hui à Mayotte, selon Paris, il ne s’est rien passé.

Julia Vandal

 

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