Sous les graviers, la biodiversité

Dans les Landes, l’ancienne carrière de Cazères-sur-l’Adour a été réaménagée en véritable espace naturel. Grâce à l’intervention de la société GAMA et de la Fédération Départementale des Chasseurs des Landes, une espèce menacée de canards y a même trouvé refuge.

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Calme plat sur le lac de Cazères… La migration de printemps a lieu de janvier à avril. En bord de lac, des petites plages sont aménagées; certains oiseaux comme les gravelots s’y reproduisent. © Pauline Rouquette

On est passé d’un oiseau en 2007 à près de 2.300 à la mi-janvier, cette année” s’enthousiasme Jean-Paul Laborde, technicien depuis 1986 à la Fédération Départementale des Chasseurs des Landes (FDC 40). “On a même observé un pic extraordinaire en 2015, avec plus de 5.000 volatiles!

Depuis quatre ans, il réaménage la carrière de Cazères-sur-l’Adour en véritable espace naturel. Après l’extraction de graviers opérée par la société GAMA, les cratères formés dans la nappe alluviale laissent aujourd’hui place à de larges plans d’eau, alimentés par l’Adour. S’y retrouvent pour hiverner fuligules milouins, foulques macroules, vanneaux huppés, canards colverts, sarcelles d’hiver et autres oiseaux migrateurs. Vingt-deux espèces qui sont recensées chaque année, à la mi-janvier, par les employés de la FDC 40.

Préserver une “mosaïque de milieux”

L’ancienne gravière, exploitée de 2000 à 2012, est aujourd’hui méconnaissable. Le site artificiel, transformé en réel écosystème, accueille aussi une microfaune diversifiée. Au bord du lac principal, large de 35 hectares, un pâturage héberge plusieurs vaches béarnaises. Pensionnaire des lieux depuis deux ans, cette race ancienne reconnaissable à ses longues cornes n’est pas là par hasard. Les bovins broutent, piétinent le sol et empêchent ainsi la végétation prolifique de perturber le développement fragile de certaines espèces. La nature reprend inévitablement ses droits et l’intervention humaine est parfois nécessaire afin de limiter l’enrichissement excessif du milieu. Une multitude de peupliers et de saules poussent autour du lac de manière fulgurante. “Notre rôle est de limiter ces effectifs, en coupant manuellement ces arbres qui apportent trop de matière organique” explique Jean-Paul Laborde. “Nous laisserons néanmoins quelques bouquets, nécessaires à certains micro-habitats. Il faut conserver une alternance, un équilibre entre les milieux aquatiques et végétaux”.

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De nombreuses actions sont entreprises pour sauvegarder l’algue et ainsi préserver l’avifaune sur le site. © Pauline Rouquette

C’est dans les profondeurs du lac que se trouve l’espèce la plus menaçante pour cet équilibre : la carpe. Herbivore présente à l’année dans ces eaux, elle est une grande amatrice de charas, une sorte d’algue verte dont sont friands les fuligules milouins, canards migrateurs menacés d’extinction. En l’absence de charas, la population de fuligules milouins qui arrive chaque automne pourrait considérablement baisser. Une conjoncture impossible à imaginer pour le technicien qui, aidé de ses collègues de la Fédération des Chasseurs, a pris les choses en main. “On a pris contact avec un carpiste pour évaluer le peuplement de poissons, et pour faire en sorte de les gérer pour ne pas les laisser manger toutes les plantes immergées”.
Dans son rapport de 2015, BirdLife International révélait que de nombreuses espèces, dont le fuligule milouin, ont vu leur statut se dégrader en Europe, au point d’être maintenant classées comme vulnérables dans la liste rouge mondiale. Intensification des pratiques agricoles, activités humaines récréatives… Elles pourraient disparaître en quelques années si les menaces auxquelles elles sont exposées ne sont pas écartées. À Cazères, aucune place n’est laissée à la fatalité, et les dernières traces de l’activité industrielle sont mises à profit pour faire de la place à ces oiseaux.

De l’industrie à l’écologie: rendre à la nature des espaces exploités par l’homme

L’action menée par la société GAMA et la FDC 40 s’inscrit dans une dynamique de renaturation des milieux, afin de leur donner un réel potentiel biologique.
La convention pour la sauvegarde du lac de Cazères s’est organisée de manière bilatérale, mais la société GAMA a eu un rôle moteur dans la réflexion. L’origine du projet repose sur l’attention particulière portée aux problématiques environnementales que soulève l’exploitation industrielle. « Le choix a été fait de tirer parti d’un espace transformé initialement pour des besoins économiques, afin de l’orienter dans l’accueil d’oiseaux ou d’autres espèces… » Un réflexe loin d’être monnaie courante pour Jean-Paul Laborde qui salue cette initiative.

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A quelques centaines de mètres du lac principal, une autre carrière est exploitée. Le site est couvert par la convention et sera géré de la même façon par la Fédération.© Pauline Rouquette

L’histoire du lac de Cazères fait écho à celle d’autres zones humides déterminantes pour la préservation de la biodiversité. Jean-Paul Laborde aime à rappeler l’histoire emblématique des Dombes dans la région lyonnaise, écrin de nature propice au développement de certains oiseaux. « Une référence pour tout ornithologue qui viendrait en France » précise-t-il. Cette zone d’étangs, créée artificiellement par l’homme au Moyen-Age pour nourrir la population, s’est progressivement renaturée jusqu’à être considérée aujourd’hui comme un espace brut de nature. Le site de Cazères pourrait bien connaître le même destin. Jean-Paul Laborde en fait le pari, « dans 500 ans, on considérera cet endroit comme une zone naturelle. »

Narjis El Asraoui, Pauline Rouquette, Alexandra Jammet
Concours des Jeunes Reporters pour l’Environnement

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